Ce que j’aime dans mon métier, c’est que l’on ne pourra jamais refaire deux fois la même chose et que la création dure le temps de la fleur coupée.
Il a seulement 24 ans mais pourrait ressembler à un général de l’Armée rouge s’il épinglait ses déjà innombrables distinctions. Aucun orgueil, cependant, chez Benoît Barbin, mais un goût immodéré pour la compétition et une impressionnante maturité devant l’objectif. Le sien est tout entier tourné vers l’art floral, découvert dans sa prime enfance au sein du jardin familial. On lui fait remarquer qu’il n’est pas devenu jardinier-paysagiste mais fleuriste, il vous fait vite comprendre qu’il n’est pas du genre à tomber dans la mélancolie d’un Ronsard : “Un jardin est trop pérenne, j’aime l’éphémère !” Et d’insister : “Ce que j’aime dans mon métier, c’est que l’on ne pourra jamais refaire deux fois la même chose et que la création dure le temps de la fleur coupée.”
Disert sur son rapport aux arts créatifs, il démontre sans effort qu’il n’y aurait aucun sens à dissocier esprit et habileté manuelle. Il revendique d’ailleurs volontiers une appétence pour les nourritures intellectuelles, expliquant ainsi son choix de faire précéder son parcours en apprentissage d’un bac pro. Son premier diplôme ? Technico-commercial en végétaux d’ornement, avec une mention européenne qui lui permet d’acquérir une aisance en anglais professionnel dans le cadre du programme Erasmus.
Bête à concours
La compétence, c’est aussi dans la pression et l’émulation qu’il la conquiert. Entre 2016 et 2021, Benoît Barbin remporte pas moins de cinq prix dans des concours au prestige allant crescendo, jusqu’à revenir médaillé d’or des EuroSkills de Graz, en Autriche (du 22 au 26 septembre 2021). Une aventure abordée avec détermination et une ambition assumée, malgré une concurrence très forte de pays comme la Chine et la Russie. Teintée d’enjeux patriotiques, pour ne pas dire nationalistes, “la compétition est devenue très politique”, observe-t-il. Le sérieux mis dans la préparation des candidats en témoigne. Il l’assure, sa dauphine aux EuroSkills, russe, a même bénéficié du coaching au long cours d’un designer international.
S’il n’en est que plus beau, son succès final atteste aussi de la qualité de la préparation physique, mentale et technique mise en œuvre par l’équipe France. Pour mettre toutes les chances de son côté, lui confesse s’être mis à temps partiel dès les sélections régionales pour intensifier sa préparation. Toujours en quête de conseils au sein de sa communauté professionnelle, il assure même avoir financé le voyage de son patron pour bénéficier de son coaching.
Transition écologique
En CDI chez un fleuriste parisien depuis 2019, il dit ne pas faire d’un objectif de court terme l’ouverture de sa propre boutique. Toujours avide de découvertes, il n’exclut pas de reprendre un jour des études pour s’ouvrir de nouveaux horizons. Critique quant à l’impact environnemental de son métier, qu’il juge “catastrophique”, il estime que “tout est à reconstruire dans les habitudes de travail, comme dans les habitudes de consommation.” Et le voilà qui se met à s’imaginer “fleuriste éco-responsable” ! Un joli défi pour celui qui n’a pas peur de les relever.
Portrait initialement publié dans Inffo Formation 1024 - 15 au 31 janvier 2022, le magazine des professionnels de la formation, produit par Centre Inffo.